Calendrier de l’avant 2025 (30/31)
Un article ou entretien par jour pendant le mois de décembre pour revenir avec nous sur l’année cinématographique 2024 !
Accompagner les jeunes cinéastes avec Clara Marquardt
Retour sur une année folle comme productrice chez Les Valseurs
par Lilou Parente et Valentin Chalandon

Malgré la nuit de Guillermo Garcia Lopez © Les Valseurs
Clara Marquardt est productrice chez Les Valseurs, où elle accompagne notamment les productions de court-métrages de jeunes cinéastes. Elle revient sur son immense année 2024, en expliquant les spécificités de la boîte de production, en racontant le succès phénoménal de la série d’animation Samuel, et en dévoilant la teneur de ses futurs projets …
Depuis quand êtes-vous productrice chez Les Valseurs ?
Je suis arrivée dans la boîte en 2021, après des études de lettres à la Sorbonne et un master de droit de la propriété intellectuelle que j’ai fait dans l’optique de faire ce métier. Ça fait un an que je produis au sein des Valseurs, avant j’étais chargée de développement, un poste assez rare dans les petites et moyennes boîtes de production. La spécificité des Valseurs est que ce poste regroupe à la fois l’artistique – le suivi d’écriture, le littéraire – et le financier, qui fonctionnent en fait comme des vases communicants. Je trouve le regroupement de ces deux pôles intelligent, car ils s’impactent mutuellement. Lors du développement d’un projet, on doit parfois adapter le scénario en fonction des financements qu’on arrive à lever, et on a jamais fini d’écrire même quand le budget est bouclé. C’est important de savoir dans quelle économie le film peut entrer dès la lecture du scénario.
Ce qui était un peu frustrant avec le développement, c’est que ça peut durer des années, on crée de vrais liens avec les cinéastes et leur projet et, quand ils vont en tournage, il faut les lâcher, et c’est comme lâcher son bébé. Je suis très contente aujourd’hui de pouvoir suivre mes films et les suivre sur toutes leurs étapes, même si c’est plus de responsabilités, plus risqué, plus éprouvant…
Vous avez trouvé votre place naturellement dans la boîte ?
Justin Pechberty et Damien Megherbi ont créé la boite en 2013. Ils ont commencé à faire des courts seuls. Ils ne venaient pas du cinéma, et, petit à petit, les films ont bien marché. Au moment où je suis arrivée, la boîte était en plein essor : il y a eu les premiers projets de long-métrage, la série Samuel (2024, Émilie Tronche) qui a été un vrai moteur, la création du studio d’animation et d’une antenne à Bordeaux dédiée au documentaire et qui s’ouvre aujourd’hui à une activité de production exécutive. À ce moment, Damien Megherbi et Justin Pechberty, se tournaient de plus en plus vers le long et la série, tout en gardant une connexion avec la jeune création, et c’est là que j’ai trouvé ma place. Pour l’instant je produis principalement des court-métrages, mais je souhaite suivre les cinéastes avec qui je travaille jusqu’au long-métrage. Maintenant, on est quatre producteurs, avec Nabil Bellahsene à Bordeaux, et chacun supervise ses projets même si on les suit tous mutuellement. Je suis égaleemnt toujours le développement des films que je suivais avant, comme le prochain long-métrage du réalisateur de Malgré la nuit (2023, Guillermo Garcia Lopez), ou des projets de série. Je travaille par exemple sur un nouveau projet de série animée porté par deux jeunes réalisatrices, Clara Kennedy et Lola Degove.

Justin Pechbery, Guillermo Garcia Lopez, Clara Marquardt et Damien Megherbi pour Malgré la nuit, sélectionné aux Césars du court-métrage 2025 © Les Valseurs
Les Valseurs travaillent-ils beaucoup avec des réalisateurs internationaux ?
C’est une volonté de la boîte depuis sa création, et cela fonctionne beaucoup par réseau : on a rencontré Guillermo Garcia Lopez en développant un film chilien, Les créatures qui fondent au soleil (2022, Diego Cespedes) présenté à la Semaine de la Critique à Cannes. Diego Cespedes était ami avec lui et nous a dit qu’il cherchait un producteur français. On a aussi beaucoup travaillé avec le Brésil après avoir fait un premier film avec Joao Paulo Miranda Maria, qui nous a immiscé dans l’industrie cinématographique brésilienne. On retrouve très vite les mêmes personnes, et on se rend compte que le cinéma est un petit monde.
Suivez-vous souvent les cinéastes sur plusieurs projets ?
La philosophie de la boîte, c’est aussi de suivre les réalisateurs sur leurs court-métrages et de les amener vers le long. On est d’ailleurs en train de produire les long-métrages de Guillermo Garcia Lopez, Diego Cespedes et Carlos Segundo, dont nous avons produit les court-métrages. On cherche à révéler des jeunes cinéastes talentueux, et à les suivre sur le long terme. C’est important de connaître nos réalisateurs, pour leur proposer les projets les plus adaptés à leurs univers, leur trouver des adaptations, et aussi les faire travailler ensemble.
Dans le film Sans Coeur (2023, Nara Normande et Tião) que vous avez sorti cette année, l’un des enjeux est ce passage du court-métrage d’animation au long-métrage en prise de vue réelle.
Oui, c’est une co-réalisation entre Tião qui avait déjà fait un court en prise de vue réelle et Nara Normande qui avait fait un court d’animation très proche du long qui parle de son enfance au Brésil. Ils avaient également fait un court en prise de vue réelle ensemble dont est tiré le long. J’aime beaucoup les récits imprégnés d’intime, de réel, mais c’est parfois dur de prendre de la distance pour que le tout soit porté par de la fiction. Je pense que la co-réalisation a aidé à la prendre.

Sans Cœur de Nara Normande et Tião © Les Valseurs
Ces passerelles entre l’animation et la prise de vue réelle sont-elles courantes chez Les Valseurs ?
On produit à la fois de l’animation et de la prise de vue réelle, ce qui nous permet de faire des passerelles entre les deux. Dans l’animation, on injecte quelque chose de très narratif, pour qu’elle soit au service d’une histoire, on fait moins de l’animation abstraite. On a des cinéastes de prise de vues réelles qui passent à l’animation grâce à ça. Sameh Alaa, par exemple, qui est un réalisateur égyptien qui avait gagné la palme d’or du court métrage à Cannes avec I Am Afraid to Forget Your Face (2020), nous a proposé un idée de film d’animation et on l’a aidé à trouver un co-réalisateur venu de l’animation, Robin Vouters, puisqu’il n’en avait jamais fait.
De la même manière, on est en train de préparer une nouvelle série d’animation, Ça va Clara, portée par une réalisatrice qui ne vient pas de l’animation et on lui a proposé de collaborer avec une réalisatrice d’animation. Je me dis que l’inverse pourrait aussi marcher.
Jérémy Clapin a fait cela cette année avec Pendant ce temps sur terre (2024), réalisé après le succès de J’ai perdu mon corps (2019), et ça fonctionne super bien. On retrouve des codes de l’animation dans son nouveau film, cette liberté plastique.
C’est une manière d’écrire qui est très différente. Quand on va de l’animation vers la prise de vue réelle, je pense qu’on peut se sentir un peu limité et, à l’inverse, les cinéastes de prise de vue réelle ne saisissent pas forcément les possibilités qu’offre l’animation. Je trouve l’idée d’avoir ces regards différents, de penser d’autres temporalités dans la manière d’écrire, très intéressante. L’animation a quelque chose de très rafraichissant et permet de s’affranchir de règles figées qu’on s’impose parfois en prise de vue réelle.
J’aime bien le fait qu’on ne se donne pas trop de limites, qu’on ne mette pas de frontières entre tous ces genres – animation, fiction en prise de vue réelle, documentaire – et que nos cinéastes puissent aller de l’un à l’autre facilement. C’est important de laisser cet espace de liberté, de leur laisser la possibilité de s’épanouir là où ils le souhaitent. On est là pour les accompagner dans leurs expérimentations. J’aime l’idée qu’on est un laboratoire, ce côté versatile de notre production.
Comment s’est passée votre année 2024 ?
C’était une année monumentale, on en parlait l’autre jour avec Damien Megherbi et Justin Pechberty ! On a tourné trois longs-métrages : le premier long du réalisateur brésilien Carlos Segundo – dont on a présenté un court à Cannes (Sidéral, 2021) et dont un court avait gagné à Locarno (Big Bang, 2022) -, le premier long de Guillermo Garcia Lopez, et le long-métrage de Diego Cespedes. On a aussi terminé une grosse production d’animation portée par un collectif de six réalisatrices et qui vient de sortir : Le Grand Noël des animaux (2024). Et on a fini Samuel qu’on a sorti en mars.
Côté court-métrage, on en a tourné deux avec des réalisateurs brésiliens, l’un à Rio avec Leonardo Martinelli, et l’autre est le premier film en France d’un cinéaste qu’on suit depuis plusieurs années, Joao Paulo Miranda Maria, avec un cast français qui comprend Hafsia Herzi, Slimane Dazi et Dimitri Doré.
On a aussi une petite activité de distribution, on sort deux à trois films par an. Cette année, on a sorti Sans Cœur nous-mêmes par exemple.
C’était une année de concrétisation, une nouvelle étape dans la vie de la boîte et c’était cool de voir naître des projets que j’avais suivi depuis que je suis arrivée. La production est un métier de longue haleine, il faut être patient.
Pouvez-vous revenir sur l’évènement Samuel, et sur ce qu’un tel succès a changé pour vous ?
Samuel, c’est un moment très fort de l’année qui a changé beaucoup de choses pour la boîte. Ce n’est pas tous les jours qu’on a un projet aussi porteur, qui touche autant de gens, et qui plaît autant. D’autant plus, que le projet est porté par une autrice qui a commencé à le développer très jeune, à 25 ans.
Je pense que c’est d’abord un projet innovant. Il n’y avait pas trop d’œuvres comparables, de séries qui pouvaient avoir une cible aussi large et avec ce format digital de diffusion sur les réseaux sociaux et la plateforme Arte. C’est une des premières séries Tiktok ARTE – c’est sur ce réseau qu’on a fait le plus de vues – très expérimentale dans la forme et dans la manière dont on l’a diffusée. On a joui d’une liberté de la part des diffuseurs, Arte, qui ont fait preuve d’une grande confiance.
Avec Samuel, on a montré que ce type de production pouvait marcher, qu’on peut séduire un public qui n’est pas forcément attiré par l’animation, et qu’on peut toucher des jeunes qui sont une cible difficilement atteignable. Cela a un peu créé un précédent, on peut maintenant s’adresser différemment à des acteurs du monde cinématographique et audiovisuel qui auraient été plus frileux sur ce type de projets.
Cela nous a aussi confirmé dans une intuition : il y a un public pour ce type de productions, et une génération d’autrices et auteurs d’animation qui ont entre 20 et 30 ans, qui ont des choses à raconter, un talent, et pour qui un chemin s’ouvre.
Dans la perception de l’animation même cela change aussi vraiment quelque chose, et puis cela apporte aussi une manière de faire l’animation différente, moins formatée, à travers des styles qu’on a pas l’habitude de voir en salles ou à la télévision.

Samuel d’Émilie Tronche © Les Valseurs
Quelle est la place de l’animation en France aujourd’hui ?
En France, on a la chance que le secteur de l’animation soit très soutenu mais, c’est vrai que c’est dur d’exister en dehors des deux catégories dominantes qui sont l’animation jeunesse, et les films d’animation adulte qui restent souvent très classiques dans leur forme.
En fait, il y a très peu de créneaux de diffusion pour l’animation. En audiovisuel si tu n’es pas une série jeunesse, c’est difficile d’exister. Pour les séries plus adultes, jeunes adultes ou ado, pensées pour une diffusion digitale, on a deux choix qui font figure d’exception : “Arte à suivre” – avec qui on a produit Samuel – et Slash avec France Télévision. Les soutiens de long-métrages d’animation sont rares aussi. Il y a moins de place auprès des guichets de financement publics ou des chaînes.
La diffusion de films d’animation adultes ou d’auteurs n’est pas toujours évidente, même si des exemples récents comme Flow (2024, Gints Zilbalodis) qui vient de franchir les 500 000 entrées, sont encourageants. Je pense qu’il y a plein de boîtes de production et de studios qui font du super boulot, on n’a juste pas encore la reconnaissance que le secteur mérite auprès du public ou des financeurs qui considèrent moins l’animation qu’un film de fiction, et ont du mal à accepter que le public jeunesse n’est pas le seul à pouvoir regarder ces films d’animation.
Je pense que Samuel a un peu fait bouger les lignes car on a senti que beaucoup de gens y trouvaient un vrai potentiel. C’est le cas, à un autre niveau, pour Les Belles Cicatrices (2024, Raphaël Jouzeau). C’est tellement rare pour un court-métrage d’animation de toucher autant de gens, d’autant plus que beaucoup des gens qui l’ont vu et l’ont aimé n’ont habituellement pas accès à ce type d’animations et ne sont pas des fans de ce genre.
C’est aussi une œuvre qui a explosé sur TikTok.
Oui, comme avec Samuel, les gens ont fait du lip sync sur des extraits du film. Ce sont des choses qu’on ne contrôle pas toujours, on poste et on voit ce qui se passe, ce qu’en font les algorithmes. Pour Samuel, l’idée de TikTok est venue du producteur Damien Megherbi, qui a compris que ça toucherait beaucoup de gens et qui a cherché des idées pour étendre au maximum la diffusion. Cela a permis à Samuel de sortir du public Arte et du public anim, de toucher un public plus large.Sous les vidéos, il y avait des commentaires qui disaient “c’est quoi Arte ?”, “C’est où ?”.
Un autre exemple est Le Consentement (2023, Vanessa Filho) dont le succès auprès des jeunes est aussi parti d’une trend de TikTok. Je pense qu’il n’y a pas qu’un manque de propositions pour ce public, il y a aussi un enjeu de communication. Mais, en tous cas, Samuel rebat un peu les cartes et nous offre plus de possibilités et nous montre qu’une œuvre peut exister en dehors des circuits classiques.
Quels sont vos projets pour l’année prochaine ?
Je suis des projets à des stades différents. En début d’année, on va en lancer deux. Le court-métrage d’une réalisatrice suédoise, Niki Lindroth von Bahr, qui a déjà réalisé The Burden (2017), elle fait du stop motion – qui est une technique coûteuse et qui demande des temps de production très longs -, ses histoires sont toujours incarnées par des animaux, et se déroulent dans des lieux aseptisés de notre quotidien, de nos vies de citadins. Ici, le film se déroule dans un aéroport. Ses films ont un humour noir, satyrique et dansant en même temps.
Là je suis en pleine préparation d’un court qu’on va tourner fin janvier et qui s’appelle 10M2. Yaqian Zhang est une réalisatrice d’origine chinoise qui vit en France depuis sept ans et raconte son expérience quand elle est arrivée à Paris et le sentiment de solitude qu’on peut ressentir en arrivant dans une grande ville. Cela passe par la relation qui se crée entre elle et un algérien qui vient également d’arriver et avec qui elle partage un petit appartement. C’est un film avec beaucoup de poésie, qui n’est jamais misérabiliste et se raconte beaucoup dans leurs rapports intimes, leurs échanges et comment ils composent tous les deux avec leurs sentiments de nostalgie…

The Burden de Niki Lindroth von Bahr
Soutenir des projets d’animation était une de vos envies ?
Je n’avais jamais travaillé dans l’animation avant d’arriver chez Les Valseurs, alors que la boîte en faisait déjà beaucoup. J’ai toujours aimé l’animation mais il m’a fallu un temps d’adaptation pour comprendre les termes techniques, les procédés de fabrication. J’aime le fait de toucher à ces deux genres, parce que ce sont des temporalités très différentes : un film d’animation se fait sur plusieurs mois donc c’est très facile d’adapter des choses, de réajuster et de voir l’évolution sur la durée. Maîtriser les deux nous permet aussi de nous adapter aux changements et évolutions qui s’opèrent dans le secteur.
Vous pensez continuer à produire du court ou vous concentrer progressivement sur le long ?
Bien que les courts aient encore du mal à exister en dehors des festivals et des programmes dédiés sur les chaînes télévisées, il me semble que c’est un format qui peut bien s’adapter aux nouveaux usages et qui pourrait trouver une place plus importante avec le temps. Les gens aiment bien regarder des choses très courtes et aiment la fiction. En France, on a la chance d’avoir un financement des courts incomparable et qui donne la possibilité à des jeunes d’expérimenter, de passer facilement au long.On va continuer à en faire parce qu’on aime ça, la liberté qu’il y a, l’expérimentation qu’offre ce format et le fait d’initier des relations avec de jeunes cinéastes.
Pourquoi vouloir être productrice ?
C’est un métier qui est assez méconnu. Quand j’ai commencé mes études, je savais que je voulais faire du cinéma mais pas être productrice car je pensais que ça se réduisait à uniquement à une dimension financière. Parfois je fais des interventions dans des écoles pour expliquer mon métier et je ressens un intérêt et une curiosité de la part des étudiants lorsque j’explique tout ce qu’englobe ce métier.
J’ai fait un stage dans une boite de production et je me suis rendue compte que le producteur pouvait participer à la création tout en faisant quelque chose de plus large, j’aime le fait de travailler main dans la main avec un artiste.
Je pense que quelqu’un qui, comme moi, voulait travailler dans le cinéma sans être cinéaste ou scénariste – qui sont souvent les premiers idéaux quand on se dirige vers cette voie – peut vraiment trouver sa place dans la production. On est à la fois conseiller artistique, garant de faisabilité, et le côté financier, qui me parlait moins à l’époque, me plaît aujourd’hui parce que c’est un tout. Chez Les Valseurs, on accompagne vraiment les projets dès l’écriture, on va être très présents sur les premières phases, faire beaucoup de retours, proposer des co-auteurs, participer aux choix artistiques. Je trouve que c’est un très beau métier qui est peu considéré car les gens le comprennent mal. Le producteur a souvent une mauvaise réputation de l’extérieur, il y a une méfiance même de la part des cinéastes parfois, qui est notamment due au vieux cliché du producteur blindé et un peu escroc. Pourtant, il est celui qui se met le plus en danger, qui engage sa boite, sa personne, qui est garant de tout ce qui peut se passer.
Quels sont vos films préférés de l’année 2024 ?
Il y a plusieurs films qui m’ont marquée cette année. Los Delincuentes (2023, Rodrigo Moreno), un film argentin qui est incroyable de liberté ! Il y a tout un mouvement en Argentine depuis quelques années avec des collectifs de cinéastes et de producteurs qui font des films très libres et hors des circuits, avec de très petits budgets – et cela va s’accentuer depuis que Milei est passé au pouvoir. J’avais également adoré Trenque Lauquen (2022, Laura Citarella) et El professor (2023, Maria Alché et Benjamin Naishtat) qui est une sorte de fable philosophique et politique brillante qui parle très bien de la situation politique argentine chaotique par le biais de l’histoire entre deux professeurs de philosophie à Buenos Aires.
Los Delincuentes de Rodrigo Moreno © Arizona Distribution / JHR Films
J’ai aussi beaucoup aimé May December (Todd Haynes) Miséricorde (Alain Guiraudie) qui est aussi un film qui commence quelque part et t’emmène ailleurs avec une variation folle de registres. Puis, À son image (Thierry de Peretti) qui est vraiment un beau film, une grande fresque, un film très dense, qui entremêle récit générationnel, intimiste, historique et politique. J’avais aussi beaucoup aimé Le Royaume (Julien Colonna), qui est un très bon premier film.
Un documentaire que j’ai vu cette année et qui m’a aussi beaucoup marqué est Marins des montagnes (2021, Karim Aïnouz), d’un réalisateur brésilien qui a fait des films magnifiques comme La Vie invisible d’Eurídice Gusmão (2019), et qui raconte son histoire qui est assez dingue. Son père était algérien, sa mère brésilienne, il a toujours vécu au Brésil avec un nom algérien – alors qu’il y en a peu dans le pays – et là, à sa cinquantaine, il décide d’aller pour la première fois en Algérie. Dans le film, il y a sa patte très stylisée, au service d’un documentaire personnel où il découvre l’Algérie, ses racines, avec un regard assez pur, dénué de préjugés et très loin du regard qu’on porte en France sur ce pays. L’année prochaine, on va aussi sortir un film que j’ai vu au festival du Cinéma du Réel cette année et qui a été un véritable coup de cœur : Soundtrack pour un coup d’État (2024, Johan Grimonprez). C’est un film d’archives monumental, qui mêle jazz et politique, une vraie expérience de cinéma.

Marin des montagnes de Karim Aïnouz © Les Films des Deux Rives
Entretien réalisé le 23 décembre

