Calendrier de l’avant 2025 (13/31)

Un article ou entretien par jour pendant le mois de décembre pour revenir avec nous sur l’année cinématographique 2024 !


Adiós Amores, sans attendre

La sensation musicale de l’année racontée par Iman Amar et Ana Valladares

par Lilou Parente et Valentin Chalandon

Iman Amar et Ana Valladares d’Adiós Amores © Vogue

Elles ont composé la chanson officielle du sublime dernier film de Jonas Trueba, Septembre sans attendre. Les deux chanteuses d’Adiós Amores reviennent sur leur année 2024 à travers le récit de leurs inspirations, de la concrétisation de leurs projets et de leur rapport au cinéma.

Quelle est la genèse d’Adiós Amores ?

Nous nous sommes rencontrées en 2018, par le biais d’amis, nous nous sommes rendues compte que nous avions les mêmes goûts musicaux. On a commencé à se voir de plus en plus, à échanger toujours plus sur la musique, et on a commencé à en faire mais ce n’était pas du tout prévu, on s’est juste dit qu’on avait un truc. 

Nous avons commencé à jouer en public juste avant le Covid, en 2020 donc nos débuts étaient un peu étranges, il n’y avait que nous deux dans le groupe pour notre premier concert, et après pendant deux ans nous avons continué à jouer mais à jauge réduite, les gens tous assis et portant des masques. On ne savait pas ce que ça faisait de jouer un vrai concert, avec les gens qui danse …

Notre première chanson « Charlotte » est sortie juste avant le Covid, on a fait le premier concert et des interviews pendant le premier mois, et c’est comme cela que nous avons commencé à avoir un public. Pendant le Covid, on a continué à faire de la musique et à sortir des chansons notamment sur les plateformes en ligne, et je crois que c’est comme ça que notre public s’est construit, pas de manière physique.

Avant la sortie des chansons, on avait des démos en privé et des amis se les sont partagées avec les liens qu’on leur donnait. On recevait des compliments sur nos chansons de gens qui n’étaient pas censés les avoir écoutées ! C’est notamment ce bouche à oreille qui nous a décidé à faire le groupe, et à rendre nos chansons publiques. 

Comment en êtes-vous arrivée à composer une chanson pour le film de Jonas Trueba, Septembre sans attendre

On a rencontré Jonas il y a 2 ou 3 ans, on aimait ses films et il aimait notre musique. On est devenu amis, on se voyait pour boire des cafés et parler de nos projets. En 2022, on a fait un concert à Madrid,  il commençait à penser à ce film et il est venu nous voir jouer. Ça l’a inspiré et il s’est dit que notre musique pourrait être intéressante pour le film donc il nous a proposé de collaborer. On a donc réfléchi à la manière dont nous pourrions faire ce que nous savons faire et lui ce qu’il sait faire de son côté, et on a dit oui. 

Au début il n’y avait même pas encore le script final, nous avons écrit la musique à partir du premier jet, il n’y avait rien de filmé, seulement des idées sur un bout de papier. Nous avons essayé de retranscrire ce que cela nous évoquait, sur un processus de plusieurs mois et à la fin, quand il l’a entendu, il a dit que la chanson était le film, qu’elle le représente parfaitement. 

Y a-t-il une influence de votre musique, par le fait qu’elle ait été composée avant le tournage, sur le rendu final ? 

Oui, je pense que la chanson a un impact dans tout le film, mais je ne sais pas si c’est de manière directe. Je pense à une scène, qui reprend un autre morceau que nous avions écrit mais qui n’a pas été retenu pour le film. C’est la partie où les deux personnages vont au marché aux puces, et je pense que le fait d’avoir créé cette musique avant le tournage a influencé le choix des couleurs et la manière de filmer cette scène. 

Septembre sans attendre © Arizona Distribution

Comment fonctionne la propriété d’un titre composé pour un film ? 

C’est notre musique, celle du groupe Adiós Amores, sous notre nom, et nous leur avons donné le droit de l’utiliser pour le film en quelque sorte comme musique officielle du film utilisable pour la promo – les bandes-annonces, les réseaux sociaux. Mais c’est bien nous qui possédons en les droits. 

Votre proximité avec Jonas Trueba a-t-elle rendu plus facile cette
collaboration ? 

La production, Los Ilusos Films et toute l’équipe sont vraiment très bien vis-à-vis de ces questions. Ils voient le cinéma comme quelque chose de créatif, il ne pense pas vraiment à l’aspect monétaire. Ils essayent de faire des films parce qu’ils le sentent, par passion pour l’art, et pour cela ils sont super transparents, ils essayent toujours d’aider à la réalisation des projets, et finalement sont assez peu penchés sur leur propre profit. Le film a été fait avec beaucoup de respect et d’amour pour chacun, en impliquant tout le monde de façon à ce qu’on soit confortable.

Qu’est-ce qui vous a inspiré dans le premier script pour écrire la chanson ? 

On était très conscientes de ce qu’on faisait. C’était très fun pour nous, parce que l’on n’avait jamais fait ça. On écrit généralement des chansons sur ce qu’on ressent, ce qu’on voit et là c’était différent car tout d’un coup il fallait écrire sur ces deux personnages. C’était intéressant parce qu’on essayait de voir ce qu’ils ressentaient pour le retranscrire en un morceau. 

On voulait principalement transmettre dans la chanson le fait qu’il y a des moments de doutes, des moments de oui et des fois de non, des fois on est perdus. C’est même inscrit dans la structure de la chanson, qui n’est pas du tout linéaire, parce qu’on ne sait jamais où vont les personnages, on ne pouvait pas utiliser le schéma classique couplet-refrain répétable. Il y a différentes parties dans la chanson, qui représentent le mood : d’abord c’est très mélancolique, ensuite on monte très haut, puis on redescend… On voulait apporter ce doute, à la fois du bonheur, pas vraiment de tristesse mais de la mélancolie, tout en même temps. 

Est-ce que vous pensez que cette apparition dans un film qui a marché à l’international a changé quelque chose pour votre groupe ? 

On a eu un article sur nous dans Le Monde donc ! On sait que notre chanson parcourt les cinémas d’Europe mais cela n’a pas d’impact direct sur nous dans la réalité. 

Vous connaissiez bien les films de Trueba avant de composer pour son dernier long-métrage ? 

On avait vu les films de Jonas, Eva en août (2020) et Venez voir (2022) notamment, mais celui-ci est mon préféré, et je ne dis pas ça parce que nous jouons dedans. Il est extrêmement bien pensé et mis en scène, très sensible aussi, et cela se reflète dans ses films. J’aime beaucoup la façon dont il travaille, dans ses autres films aussi, il a une vision des choses très unique. 

Et par rapport aux autres films, quels sont ceux qui vous ont marqué cette année ? 

Je suis allée quelques fois au cinéma, pas autant que j’aurais voulu. J’aime beaucoup les films très indépendants ou très mainstream, je n’ai pas d’entre deux. La Vierge rouge (Paula Ortiz) est un film espagnol qui nous a marqué cette année. C’est une histoire vraie, d’une femme espagnole qui a été assassinée par sa mère. Le film est très beau visuellement, et je le trouve très bien pensé par rapport à la difficulté que c’est d’adapter une histoire vraie au cinéma. Il fait réfléchir sur ce qu’est la liberté, est ce que sa définition a changé par rapport à l’époque -les années 1920-1920- est-on plus libre aujourd’hui … J’ai aussi beaucoup aimé Perfect Days (Wim Wenders, 2023). 

La Vierge rouge © Amazon MGM Studios

Comment s’est passée votre année d’un point de vue musical ? 

L’année dernière nous avons sorti notre premier album, en octobre 2023, et cette année nous sommes allées le jouer en tournée avec le groupe au complet pour la première fois. On est allée dans plusieurs endroits, on a fait des festivals, des tournées dans toute l’Espagne. En parallèle il y avait tout ce qui tournait autour du film, donc c’était vraiment nos deux évènements de l’année.

Vous avez déjà été en tournée en Europe, par votre collaboration avec La Femme, comment cette rencontre musicale a-t-elle eu lieu, et prévoyez vous une tournée prochainement pour Adiós Amores ?

La Femme, ils sont très cool, ce sont des gens très sympathiques et extrêmement créatifs. Ils ont du génie, et ça a été très facile de travailler avec eux. Ils nous ont aussi invités sur la tournée, c’était une expérience magnifique. Notre collaboration s’est produite parce La Femme pensait à faire un album en espagnol. On s’est rencontrés en 2019 en Espagne, quand on commençait la musique et que leurs chansons étaient en cours d’écriture sur place. Ils nous ont invité à collaborer et c’est comme ça que ça s’est fait. 

Quelles sont vos inspirations musicales, et est-que le cinéma, les images ont aussi une influence sur votre musique?

Je crois que oui, pas directement, je ne suis jamais sorti d’un film en me disant qu’il fallait que j’écrive un morceau. Mais des fois, on fait une chanson des mois après avoir regardé un film, quelque chose de particulier se distingue, une phrase ressort, une image, une couleur. C’est un peu comme un moodboard que l’on a.

En ce qui concerne la musique, tout type de musique nous inspire depuis les années 1960, avec beaucoup de styles différents, c’est difficile d’en citer.

Nous avons interviewé Maustetytöt qui elles ont composé mais aussi joué dans le dernier film de Kaurismaki. Comment vous sentiriez-vous de jouer dans un film ?

L’idée originale était que nous soyons dans le film à la fin, pour la scène de la fête. Mais ça nous a pris plus de temps que prévu de préparer la musique, et le jour où nous devions tourner il allait pleuvoir, donc beaucoup de choses ont rendu cela plus compliqué qu’autre chose. On n’a pas pu le faire dans ce film là, malheureusement, mais ça serait cool de le faire si une autre opportunité se présente. J’ai quand même beaucoup aimé la dernière partie du film avec l’autre groupe qui jouait, cela semblait très réel.

Est-ce que, si vous vous sépariez, vous feriez une fête comme dans Septembre sans attendre ?

Je pense que ça serait très difficile en réalité. L’idée est cool, mais je ne crois pas que je ferais ça dans ma vie. C’est pour ça que c’est une super idée pour un film ! Mais j’irais sans hésiter si quelqu’un m’invitait.

Est-ce que vous prévoyez de passer à Paris, pour qu’on puisse vous voir en concert ?

Si vous organisez quelque chose, on viendra avec plaisir ! On adorerait jouer à Paris.

Entretien réalisé le 13 décembre